Vu et entendu

6 Mar

La scène se passe juste en bas de la maison, au bureau de tabac…

Alors qu’elle allait payer son « Elle à table », j’entends EA s’exclamer : « Ah, vous avez ça ! C’est combien ? » et le buraliste de lui répondre « 9,90 € ».

– Alors j’en voudrais bien un exemplaire s’il vous plaît monsieur.

Évidemment, je m’approche de la caisse pour voir de quoi il retourne…

– Regarde, je prends Le Monde de la Philosophie, c’est Nietzsche cette semaine.

Je lui réponds : Nietzsche, je ne connais pas trop. Je n’en ai jamais lu. C’est l’occasion !

– Il y a « Ainsi parlait Zarathoustra », « Crépuscule des idoles » et « Ecce homo ».

– Ah, c’est comme ça que vous prononcez ? nous demande le buraliste.

– Quoi donc ? « Ecce Homo » ?

– Non, Nietzsche. Je croyais qu’on dit Niéscthe ou Niétche…

– On dit Nietzsche.

– Ah, d’accord. Ça doit être un schleu pour avoir un nom pareil !

– Je ne suis pas sûre. En tout cas, c’est certainement un germanophone (vérification faite, c’est bien un « schleu », mais de Prusse).

Que l’on puisse ne pas connaître Nietzsche, même de nom, je peux comprendre. Mais la suite n’était pas mal non plus…

– (le buraliste, reprenant de plus belle) La semaine dernière, c’était quand même plus facile à prononcer ! (il sort de derrière le comptoir un exemplaire de Marx, puis s’attaque à nous lister les auteurs à paraître :) Y a eu Platon gratuit, je connais. La semaine prochaine, c’est Montaigne, je connais aussi. Et puis Diderot, Pascal – très connu, c’est le billet de 100 francs ! – Saint Augustin, Machiavel. Et ça vient de là, « machiavélique » ?

– Oui oui, ça veut dire que…

– Après c’est Spinoza – c’est connu ça aussi – Kant – jamais entendu parler – Hegel – connais pas non plus – Sénèque, Tocqueville – ça c’est connu ! – « Lébniz » – connais pas ; c’est comme ça qu’on dit ? – Lucrèce et « Ume » (Hume).

Bref. Notre buraliste est un homme charmant et nous a même proposé de nous commander certains numéros si nous le désirions. Et cette discussion m’a renvoyée trois / quatre semaines en arrière, lors de la sortie du Tome 1 sur Platon, gratuit (offre de lancement). Je suis descendu chez mon buraliste – le même ! – lequel, en me donnant un exemplaire, me regarde d’un air mi-consterné mi-intrigué par ma demande :

– Vous savez, ça ça va pas se vendre. Ça sert vraiment à rien de faire ça et en plus ça prend de la place pour rien dans le magasin.

C’est sur qu’à côté des maquettes à monter soi-même en 130 numéros, des collections de verrines précieuses du IInd Empire peintes à la main (!) et de la l’intégrale des 2CV à l’échelle 1/10e, la pile des Platon faisait figure d’extra-terrestre.

D’ailleurs la sanction est tombée puisque trois semaine après, la « pile » s’est transformée en minuscule présentoir contenant avec peine deux exemplaires de Nietzsche encore emballés – c’est-à-dire prêts à repartir tels quels…

Tout ça n’est pas bien méchant, mais est quand même révélateur de certaines réalités souvent oubliées :

1 – Aller jusqu’en terminale est une chance

1 bis (car c’est étroitement lié) – Avoir des parents qui nous poussent un tant soit peu à nous ouvri et réfléchir est un bonheur

2 – Faire des études – et a fortiori une thèse – et un luxe qu’il faut savoir apprécier

3 – Lire Nietzche et Kant n’est pas une impérieuse nécessité – et je ne les ai d’ailleurs jamais lus. Par contre, savoir de quoi il retourne l’est ! (voir la note pas-encore-faite-mais-c’est-pour-bientôt sur le livre que je suis en train de lire : « comment parler des livres que l’on n’a pas lus » de P. Bayard)

4 – Ne pas connaître Kant n’empêche pas de réussir sa vie – on s’en doutait…

5 – Ne pas profiter d’offres intéressantes – 9,90 € le tome – est vraiment dommage. J’imagine que mon buraliste ne lit pas Philosophie Magasine à ses heures perdues…

Et une interrogation pour terminer ce billet : qu’à bien pu comprendre mon buraliste lorsqu’il a entendu au journal de TF1 – forcément celui là et pas un autre – le Président – le mari de Carla – parler de « politique de civilisation » ?

SBr.

Une Réponse vers “Vu et entendu”

  1. Alain AKOUN 10 mars, 2008 à 6:00 #

    Pour aborder les philosophes anciens je pense qu’il faut aller directement au texte. Ils sont beaucoup plus lisibles que les commentateurs qui « pondent » des commentaires. Particulièrement Nietzsche et Spinoza. Aucune connaissance philosophique préalable n’est nécessaire. Ces suppléments publiés sont-ils le texte même (traduit évidemment !) ou bien des analyses ?

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