Il me reste quelques heures à attendre avant mon rendez-vous. Il ne fait pas si chaud. Prendre un thé dans un café. Oui, mais que faire, seule dans ce café ? Se concentrer sur le gout si original du twining qui m’aura certainement été servi ? Se laisser prendre par la horde de visiteurs internationaux, appareil photo et camescope en bandouillère ? Lire un livre. Un livre qui me donnerait faim.


Pas de livre dans le sac. Mais Peurisse is Peurisse, mes talons des talons, mes mollets des mollets. À la recherche d’une librairie digne de ce nom. J’entre chez del Duca. Je me perd dans les étagères comme dans la carte d’un restaurant. Je retrouve de vieilles connaissances me replongeant une dizaine d’année en arrière. Camille Laurens ne me donne pas faim aujourd’hui, je ne veux pas pleurer ni acheter un livre à photo. Juste des signes me mettant en appétit.
Appeler quelqu’un. Définitivement. Avant de partir de ces rayonnages, déçue de ne pas avoir choisie. La libraire m’écoute et furète. Le petit livre des macarons de Clémence Boulouque va retrouver un de ses frères, le gout du désert. Et puis, une nouvelle collection s’invite et la gastronomie chinoise avec elle. Je quitte del Ducca avec des références et un petit cadeau bien attentionné. Un petit livre de chez folio avec des extraits de roman et la recette du met dont il était question.
Un temps idéal pour lire attablé dans un rayon de soleil.
J’attaque le Lu Wenfu le ventre plein, prête à être surprise et emmenée loin.
Lu Wenfu, Vie et passion d’un gastronome chinois… Que ce fut caricatural.
Nous voici avant la révolution culturelle chinoise, à Suzhou. La famille d’un jeune garçon vit aidée par un rentier gourmand dont l’existence est dédiée à l’acte de s’alimenter. La fierté du garçonnet est mise à mal et ce dernier assimile capitalisme à goinfrerie. De là son rôle actif dans la révolution culturelle pour lutter contre l’art culinaire. Il se rend compte in fine que manger ne sert pas qu’à vivre… Et parvient même à envisager que l’on puisse vivre pour manger.
Personnages peu crédibles, le passage d’un état d’esprit à l’autre est violent et sans explication, et au final la gastronomie chinoise, pourtant au centre de l’ouvrage, est assez absente.
Andréas Staïkos, Les liaisons culinaires… Que ce fut niais.

L’idée de départ m’a séduite lorsque, narrée par la libraire, j’ai eu envie d’acquérir ce roman. Deux hommes, voisins se découvrent être l’amant d’une même femme fatale. Ils en sont éperdument fou d’amour et se prête aux mil et un souhaits de la princesse grecque. Celle-ci exige d’eux le meilleur des repas, ceux-là mettant tout en œuvre pour devenir le seul et unique amant.
Là aussi, les personnages ne sont pas dépeint avec la finesse nécessaire. Ils sont amoureux. Ils cuisinent bien. Ils sont calculateurs. Ils sont voisins. Leurs personnalités sont identiques. La femme fatale en question est également et simplement fatale et calculatrice. Peu de psychologie du personnage. La fin est des plus attendue.
Bonne idée cependant, chaque chapitre se clôt par la recette concoctée pour l’objet de toutes les convoitises.
Ce pain d’épices salvateur
Ces livres m’ayant un peu déçue et au final pas bien rassasiée, le mieux était encore de repartir dans ma bibliothèque imaginaire y puiser un extrait réconfortant.
« Trois jours s’étaient déjà passés depuis qu’ils avaient quitté la maison paternelle. Ils continuaient à marcher, s’enfonçant toujours plus avant dans la forêt. Si personne n’allait venir à leur aide, ils ne tarderaient pas à mourir. À midi, ils virent un joli oiseau sur une branche, blanc comme neige. Il chantait si bien que les enfants s’arrêtèrent pour l’écouter. Quand il eut fini, il déploya ses ailes et vola devant eux. Ils le suivirent jusqu’à une petite maison sur le toit de laquelle le bel oiseau blanc se percha. Quand ils s’en furent approchés tout près, ils virent qu’elle était faite de pain et recouverte de gâteaux. Les fenêtres étaient en sucre.- Nous allons nous mettre au travail, dit Hansel, et faire un repas béni de Dieu. Je mangerai un morceau du toit ; ça a l’air d’être bon ! Hansel grimpa sur le toit et en arracha un petit morceau pour goûter. Gretel se mit à lécher les carreaux. On entendit alors une voix suave qui venait de la chambre »…
Il était une fois l’année dernière, je travaillais dans un petit restaurant de la butte au caille : chez Hansel et Gretel. J’y ai vécu de très chaleureux et précieux moments. Je me souviens de cette dizaine de table, des bonbons, du joli comptoir et des belles assiettes que Paul me préparaient. Cette maison en pain d’épices n’était pas l’antre d’une terrible sorcière mais a hébergé de délicieuses tartes et autres fondants au chocolat. Elle appartient maintenant à un vendeur de glace et de soupe. Les murs ne sont plus roses. Mais, virtuellement tout du moins, Hansel et Gretel à toujours pignon sur toile.
Je refais souvent du pain d’épices. Je reprend alors la recette de ma mère, la tenant non pas de sa mère, ma grand-mère, mais d’une stagiaire. Inrattable … ou presque. J’ai tenté de la faire dans un moule en terre à kugelopf … J’ai cru que ce pain ne cuirait jamais. D’après la destinataire, cela allait… Pour les besoins de la cause, voici la recette.
- 2 cs de miel
- 110 g de cassonade
- 250 g de farine (moitié 5 céréales – moitié T55 … en entier en T55 ça va très bien aussi)
- 1 bonne cs de bicarbonate
- 1 verre d’eau bien chaude
Sur cette base vous pouvez adapter à votre gout en ajoutant comme ici :
- une fève tonka émincée (cela donne ce petit gout discret d’amende amer)
- de la cannelle
- du gingembre
- du girofle
- de la cardamome
- de l’anis (je n’en avais plus mais c’est un délice avec)
- des oranges et citrons confits
- si vous en avez mais ce n’est pas indispensable, une cs de pâte de calisson et/ou de purée d’amende.
Enfournez dans un four préchauffé à 180° pour 25 minutes … ou plus selon le moule et la farine.
Bon, je crois avoir un remède pour te remettre de cette indigestion !
« Je trottine derrière lui jusqu’à la cuisine. Misère. Dans tel écrin, je veux bien cuisiner chaque jour, y compris pour Léon. Rien ne peut y être ordinaire et jusqu’à ouvrir une boîte de Ronron doit y paraître délicieux.
– Je suis très fier de ma cuisine, dit M. Ozu avec simplicité.
– Vous pouvez, dis-je, sans l’ombre d’un sarcasme.
Tout est blanc et bois clair, avec de longs plans de travail et de grands vaisseliers emplis de plats et de coupelles de porcelaine bleue, noire et blanche. Au centre, le four, les plaques de cuisson, un évier à trois vasques et un espace bar sur un des accueillants tabourets duquel je me penche, en faisant face à M. Ozu qui s’affaire aux fourneaux. Il a placé devant moi une petite bouteille de saké chaud et deux ravissants godets en porcelaine bleue craquelée.
– Je ne sais pas si vous connaissez la cuisine japonaise, me dit-il.
– Pas très bien, réponds-je.
Une vague d’espoir me soulève. »
M. Barbery, op cit. sur ce blog !!
SBr.
J’avoue… J’ai lu la recette en premier ! ;) J’aime bien commencer les bons récits par la fin…
Beaucoup de lectures en commun et un goût immodéré pour le pain d’épices !
Le Lu Wenfu, je l’ai lu il y a un certain temps. Il ne m’avait pas laissé un souvenir impérissable.
Je préférerais nettement une tranche de ton pain d’épices…
beaucoup de manipulation entre les 3 personnages des liaison culinaires .
Cela m’a laissé comme impression que chacun recherche son petit plaisir ou sa petite gloire ….
Quant au M.Barbery , un vrai coup de coeur +++