Télérama chronique « le blog d’une grosse« . Cathy, aussi gourmande qu’acide, aussi rose que ronde, décrit sa vie sur sa balance. Sa vie dans son frigo. Sa vit dans son lit. Sa vie tout à fait fascinante.
Cathy rit avec ironie et sensibilité d’elle. Elle se dessine. Elle se montre. On la lit, on la découvre. Sans voyeurisme pourtant.
Cathy, en fait, c’est Gally. Gally a son « autre » blog. Elle en a un aussi un autre avec son amoureux.
Cathy est auteure de bandes-dessinées. J’ai dévoré son dernier opus : Sale morveuse, en mangeant de la tarte à la rhubarbe et à la framboise… Et puis après on s’est raconté des histoires un peu honteuses.
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Sale morveuse, est une petite BD qui commence par un grand bruit du quotidien. Le réveil sonne trop fort, l’endormie se réveille difficilement, comatte vaguement devant son café puis regarde sa montre « Quoi ? Déjà ? « .
Il s’agit de Lola. Elle a trente ans. Vit à Paris. Où elle a froid. Où elle se lamente de sa vie minable. Où elle se sent continuellement humiliée et ridiculisée. Elle voudrait retourner dans le passé pour « péter la gueule » à la « fée borgne et gâteuse » s’étant penchée sur son berceau.
Le lendemain matin, même bruit de réveil, même trajet vers la cafetière. Sauf que. Lola a 10 ans. Et qu’elle va se venger.
Sur le concept, l’histoire du retour dans le passé n’est pas des plus innovantes. Mais là n’est pas l’intérêt de ces pages. Il réside dans « ce qu’il se passe dans ce passé ». Gally développe toute la noirceur de son humour. Culpabilité de rire à ses planches, souvenir de petite enfance. Elle créée un petit démon visuellement attachant. Même une fois rangée dans la bibliothèque, Lola est souvent revenue me faire rire.
Ce petit opus est trop petit. Suffisamment petit pour l’acquérir, le lire en quelques minutes. Et en attendre avec impatience la suite.
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Si Sale morveuse se mangeait cela serait…
- Quelque chose de girly assurément, de sage mais pas tant.
La framboise, parce que c’est rose, parce que c’est sucré, parce que cela me rend nostalgique des confitures et de la cueillette, parce que c’est doux, velouté et croquant. Parce que les grains restent dans les interstices des dents. Parce que c’est bon et désagréable à la fois.
- Quelque chose d’acide, un peu piquant, contre-balançant la tendance pink-is-beautiful.
La rhubarbe, parce que l’on imagine difficilement que derrière ces batons se cachent tant de parfums, parce que c’est sucré et acide, parce que c’est un peu rose et beaucoup vert, parce que finalement, c’est un peu comme Charlotte Gainsbourg, beau, bon et ingrat, parce que, prise délicatement, cuite doucement, elle fond dans la casserole.
- Quelque chose de petit mais pas ridiculement petit. Quelque chose avec un gout de reviens-y vite.
Des tartes d’un diamètre raisonnablement petit. 8 centimètres. Suffisant pour sentir ce que l’on mange. Suffisant pour vouloir en reprendre un quart puis un autre quart …
Tartelettes à la Rhubarbe et à la framboise de la Sale morveuse
Pour six tartelettes de 8 centimètres de diamètres
* Pour le fond de pâte (recette adaptée pour les besoins de la cause – divisée en deux – tirée de l’Agar-agar de Clea) :
- 30 g de beurre fondu
- 75 g de farine de riz
- 3 cs de sève de kitul (cela ressemble à du sirop de maïs préconisé par Clea ou à du sirop d’agave. L’idée est d’avoir un produit sucrant liquide)
- 1 giclée de lait
Mélanger tous les ingrédients, former une boule et mettre au congélateur pour 5 minutes.
Lorsqu’elle est s’est un peu solidifiée, qu’elle a pris un peu de consistance, l’étaler (comme vous pouvez – cette pâte est à la fois humide et friable – j’ai procédé par petites boules étalées entre les paumes des mains) et foncer les moules à tartelettes. Déposer des pois chiches ou toute autre sorte de poids dessus pour ne pas que la pâtes enfle.
Enfourner à 160° pour 20 minutes environ. Surveiller, l’idée est d’obtenir une pâte légèrement dorée
* Pour la couche de rhubarbe
- 6 tiges de rhubarbe (étroite, d’une trentaine de centimètres de hauteur environ)
- 15 g de sucre
- un peu d’eau
Eplucher les tiges puis les débiter en tronçons de 2 à 3 centimètres.
Les disposer dans une casserole, avec un tout petit peu d’eau (2 millimètres au fond de la casserole) et le sucre.
Faire chauffer doucement une quinzaine de minutes en remuant souvent, jusqu’à ce que les tronçons fondent et forment une compote liquide mais pas trop humide (adapter en fonction le temps de cuisson).
Laisser refroidir.
En garnir les fonds de pâte.
* Pour les framboises
- L’idéal aurait été de vraies framboises mais mon modeste congélateur ne disposait que de « brisures de ». Donc, une petite poignée de brisures de framboises.
Garnir les tartes à la rhubarbe de framboises (éventuellement congelées – mais dans ce cas là, il faudra attendre une demi-heure le temps de la mise à température ambiante).
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Après avoir déguster de la sale morveuse, on s’est raconté des histoires honteuses de quand j’étais peste, de quand il était menteur. Par écrit, comme ça Gally pourra les entendre..
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Quand j’étais peste.
Déjà, quand ma sœur est née, une poussée de boutons urticants a envahi mon corps. Réaction épidermique à cette petite chose fragile, rouge et joufflue. Elle et moi avions dorénavant le même statut. Princesses – autoproclamées – de notre état.
J’avais, en bonne (grande) princesse, longtemps milité auprès des autorités compétentes pour qu’il me soit attribué un lit de (grande) princesse. Un lit « à baldaquin ». Après une demande de première instance d’anniversaire, rejetée ; une requête d’appel auprès de nos grands-parents, rejetée également ; je m’étais pourvue en cassation devant le Père-Noël. Lequel avait enfin fait droit à ma demande. Un peu trop même puisqu’un cadeau identique avait été offert à ma sœur. Nos deux lits furent donc parés de moustiquaires de princesse.
Je fomentais mille et un stratagèmes, bien décidée à déchoir ma sœur de son titre. Stratagèmes bien souvent réduits à l’échec, surveillance de mes parents oblige. Il fallait agir de nuit et mener une action symbolique. D’où cette idée – géniale – survenue en plein été 1988, de me saisir de ma petite paire de ciseaux… pour allègrement percer sa moustiquaire.
Cette ruse – que j’imaginais être la dernière – présentait de très nombreux avantages. D’abord, elle rétablirait l’ordre juste. C’était moi et moi seule la princesse. Moi et moi seule qui avais demandé le lit de rêve. Moi et moi seule qui devais en être détentrice. Ensuite, elle me permettrait de me venger de cette horrible varicelle. Les insectes aimaient sa petite peau sucrée. Ils auraient un accès direct au Graal. Enfin et surtout, il me semblait que l’on ne pourrait que difficilement m’imputer les faits. Après tout, les mites saccagent bien les pulls… Elles auraient très bien pu s’attaquer à une moustiquaire.
Vers 22 heures, une heure aussi sombre qu’indue, pour mes six ans, je passais en mode opératoire. Je me saisissais de ma petite lampe de poche et de la paire de ciseaux, ouvrais ma porte de chambre, parcourais le couloir jusqu’à la chambre de ma sœur sur la pointe des pieds, gagnais son lit … et prélevais des cercles dans les rideaux de tulle. Notez que cela n’était pas si facile, les ciseaux à bout rond n’étant pas l’idéal pour la découpe de tissu.
Je me souviens avoir fermé les yeux avec le sentiment du devoir accompli. Et bien accompli.
Elle ne fut pas piquée tout de suite par des nuées de moustiques. En revanche, les représailles parentales furent immédiates. Aux termes d’une enquête des plus sommaires, je fus confondu par des indices mal dissimulés. J’avais laissé mes trophées – quelques gros ronds de moustiquaires – trôner sur mon bureau, à côté des ciseaux. Erreur fatale. Ce fut la fin de l’épisode princier.
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Quand il était voleur
J’ai toujours été un dingue de Légo. J’en avais des kilo-tonnes à la maison. J’aimais en particulier ceux de l’espace, les bases, les vaisseaux et les engins martiens, avec les vitres jaunes ou vertes, les antennes rouges, des roues énormes, des dizaines de réacteurs et des lumières de partout. J’ai rapidement compris que la période qui s’étend de mon anniversaire – en février – à Noël n’est pas la plus propice à l’obtention de nouveaux engins intergalactiques. J’avais beau faire des yeux doux à tout le monde, personne n’était dupe : mes parents ne dépassaient pas le stade du « tu en veux encore ? Joue donc avec ceux que tu as eus à Noël ! » ; Mamie me faisait du chantage aux bonnes notes – ce qui marchait assez bien je dois dire puisque quels que soient mes résultats, ils étaient assimilés à de bonnes notes ; quant à la marchande de jouets en face de chez moi – imaginez la torture ! – elle ne s’en laissait pas compter aussi facilement…
Pour acquérir de nouveaux bolides, se posait donc un problème inédit à mes yeux : la quête des sous. J’avais beau « gagner » mon argent de poche honnêtement – c’est-à-dire en attendant sagement le 15 du mois – mon pouvoir d’achat restait proche du zéro – surtout en comparaison du méga-engin-spatial-Légo-de-l’espace qui pouvait faire voiture ou vaisseau intergalactique que je reluquais !!! Battrax, de la série Blacktron I, sortie terrestre : 1er avril 1987 !
Alors une fois – non, pas au camp d’été – j’ai jeté un coup d’œil, innocemment et simplement pour voir, dans le sac de mon père pendant que mes parents prenaient l’apéro… Et bien sûr quand on cherche, on trouve… une liasse !!!! Je n’avais jamais vu autant de billets en même temps ! Voila donc comment on « gagne » de l’argent ! Trop facile. Tout de même, gros stress de me faire prendre la main dans le sac !
Le problème, quand on a 5 ans et demi (ça compte) et que l’on vient de gagner une grosse somme, c’est que l’on ne peut pas ouvrir de compte à la banque. Alors en bonne logique, j’ai rangé mon argent dans mon porte-monnaie – lequel, n’ayant jamais vu autant de billets d’un seul coup, ne pouvait même plus fermer !
Au bout d’un moment tout de même, j’ai entendu mes parents s’agiter dans l’appartement, puis mon père m’appeler d’une voix calme, mais ferme. Mais j’avais retenu la leçon de Noël : à la question de savoir si je m’étais servi dans son portefeuille, ma réponse fut un « non » qui se voulait persuasif et définitif. Flairant le coup tordu, il essaya de m’amadouer, me promettant de ne pas me punir si, par le plus grand des hasards, je m’étais servi dans son portefeuille.
À ce stade, de deux choses l’une : je craque ou je le teste. Deuxième option. Je restais donc de marbre en me disant en mon for intérieur que j’avais peut-être fait une grosse bêtise, tout de même. Mais surtout ne pas le montrer ! Il changea alors de tactique : « tu peux aller me chercher ton portefeuille s’il te plait ? » Fortiche le Papou ! Celle-là je n’y avais même pas songé ! J’étais cuit, sauf à jeter la marchandise par-dessus bord. Échec et mat, je décidais de jeter l’éponge : je plaiderai le vol avec circonstances atténuantes (« mais, je ne savais pas qu’on ne peut pas se servir ! Et puis, c’est la première fois, ça-n’arrivera-plus-c’est-promis-je-te-l’jure ! ») plutôt que de risquer le vol avec mensonge aggravé.
J’eus droit à ma première discussion « entre hommes », placée cependant sous la bienveillance paternelle.
« Sans arme, ni haine, ni violence », j’abandonnais aussi sec ma carrière de Spaggiari pour me consacrer plus amplement à la diplomatie… Finalement, ce fut Mamie qui craqua la première, au bulletin de notes suivant…
Princess L… / Impératrice est heureuse d’apprendre tant de détails sur cette fameuse nuit …. le silence a du bon parfois !
Nous dirons gentiment qu’aujourd’hui il y a préscription, non ?
le commentaire chez moi me fait découvrir ce très chouette univers. comme quoi, on croit avoir fait le tour et puis …
je m’y plonge de ce clic
ben ça me fait bien plaisir que t’es laissé une p’tite pierre chez moi parce que je peux découvrir ton chez toi, et j’ai beaucoup aimé ce moment! et j’adore l’acidité de la framboise, elle me plait donc beaucoup cette tarte