À la campagne, il m’arrivait de siroter un lait-fraise. Boisson inexistante depuis et qui, même à l’époque, était inexistante partout ailleurs que chez mes grands-parents.
Au fond d’un bol, ma grand-mère, car c’était elle qui avait accaparé le monopole de cette préparation, disposait une cuillère de poudre rose et arrosait de lait. Entier. Il fallait alors remuer avec un petit fouet pour dissiper les éventuels grumeaux et faire mousser. Ca j’adorais.
Je n’étais néanmoins pas particulièrement friande de lait aromatisé. J’aimais la couleur que la poudre donnait au liquide lacté, sa consistance crémeuse, la mousse donc. Et le gout quand même. Hautement chimique.
Je crois aussi que ce qui me poussait à en boire était son côté « verre-chargé-de-passé ». Passé dont attestait le paquet. Ce dernier était en carton d’une vingtaine de centimètres de haut, sur cinq de large. Éventré sur le dessus. Le bec verseur métallique ne semblait pas avoir encore été inventé. Les inscriptions sur le côté avaient partiellement disparu à force de frottements. Dans mon souvenir, il y avait aussi une cuillère en plastique aux couleurs passées ou pastels qui permettait de doser de manière idoine la quantité de poudre.
L’état de la boite, l’imprégnation du buffet de l’odeur de fraise, banane, orange – la boisson se déclinait en ces trois parfums – le fait que je n’avais jamais vu de telles poudres au supermarché ou chez des amies, lui conférait un goût désuet. Témoignage de l’enfance de mon père. Évocation de son quotidien d’alors. Breuvage précieux.
La maison a, depuis longtemps maintenant, été vendue. Les paquets de poudre, mais pas seulement, ont disparu. Ressacs dont le temps parvient à faire douter de la véracité. La mémoire se délite pour tout le monde.
Sans chercher à recréer exactement ce lait ni à retrouver des effluves évanouies, je prépare ce
Lait-fraise-d’avant d’aujourd’hui
- 30 cl de lait d’amandes très froid
- Une vingtaine de fraises, très sucrées (de bananes, de cerises, de figues, etc.)
- Une rasade de sirop d’orgeat.
Mixer, servir, siroter.
Et en plus, le lait-fraise, c’est la boisson que demande Jack Palmer dans la BD « L’enquête corse » !
Jolie histoire… on a tous de jolis souvenirs avec nos grands-parents… ça y’est je replonge ! avant de me mettre à fouiner dans ma mémoire, un grand merci pour la recette, version nouvelle, elle me plait beaucoup…
Le lait fraise, une vraie madeleine de Proust… Joli billet gorgé de souvenirs, je dois être trop jeune pour m’y retrouver et me rappeler de cette fameuse boîte en carton remplie de poudre rose ;)
Hum… le plaisir de la lecture et des souvenirs, merci pour le joli petit mot et bonne journée aux habitants du 7è !
très sympa
bon week-end
val
Merci beaucoup pour ton gentil commentaire… je crois même que mes chevilles ont un peu enflé en le lisant. Quoi qu’il en soit cela m’a aussi permis de découvrir ton blog avec grand plaisir. J’ai l’impression que nous avons certains vices en commun, cuisiner, bouquiner, et, moins glamour, le droit. Tu fais une thèse, c’est bien ça ? à très bientôt.