Sur les trottoirs, j’ai eu peur

29 Jan

Un bel immeuble avec double grille, gardien et vidéo-surveillance.

J’allais faire mes courses à ce-qui-est-devenu-plus-tard Carrefour Market. Place d’Italie.

Je prenais le métro, parfois. Le bus souvent.

Je ne m’asseyais jamais sur les bancs aux arrêts et détestais – encore aujourd’hui – tenir la barre centrale. Abaisser un strapontin à main nue confinait à la phobie.

Je choisissais toujours le même trottoir et marchais sur une grille soufflante du métro. Chaude.

Me couvrais le visage de mon écharpe pour ne pas respirer les pots d’échappement.

Me couvrais le visage pour ne pas être contaminé par les éternuements des gens.

Me faisais des sandwichs pour aller travailler. Avec un thermos et des gâteaux.

_

Ai eu une fabuleuse idée.

Ai fait mes comptes.

Il faut 10 000 euros pour remettre quelqu’un vraiment dans la vie.

Location d’appartement.

Ameublement (compter ordinateur, imprimante et connexion internet).

Nourriture et vêtements.

Electricité, eau.

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Me suis mise à faire deux sandwichs le matin pour le monsieur de Pont-Marie.

Ne l’ai plus revu.

M’en suis voulue.

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Ai eu honte de moi en fuyant un wagon vide.

Jambe irregardable.

Odeur pestilentielle.

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Un jour, j’ai vu une dame dans des couvertures sales sur la grille soufflante.

Ne suis plus jamais repassée dessus.

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Je fuyais Papy Dance.

Du regard et des jambes.

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J’habitais sur les Gobelins.

Un endroit où, pourtant, il fait bon boursicoter.

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J’ai eu tellement peur de ceux que je n’avais pas à craindre.

5 Réponses vers “Sur les trottoirs, j’ai eu peur”

  1. SL 30 janvier, 2010 à 7:50 #

    merci de nous faire partager ce blog ! J’en suivrai les évolutions

  2. SL 30 janvier, 2010 à 7:56 #

    commentaire parti trop vite.
    bref, je passe souvent Place d’Italie et suis contente de faire un peu la connaissance, malheureusement virtuelle, de ce mystérieux papy dance

  3. aurelvelvet 30 janvier, 2010 à 10:24 #

    Quel joli billet… et merci pour le lien ! Ben oui, ce sont des gens qui font peur : peur de leur physique abîmé, peur de leur détresse, peur parce que l’alcool, peur parce qu’ils donnent à voir quelque chose que l’on n’a pas envie de voir… Je travaille auprès de ces personnes, je n’ai jamais eu de problèmes (même si la folie est souvent présente mais en même temps, qui supporterait sans sombrer leur quotidien?). Et j’aime quand après une conversation quelquefois décousue, certain partent en me disant « Fais attention à toi » en guise d’aurevoir.
    Je reviendrai par ici !

  4. bache 1 février, 2010 à 3:26 #

    C’est agréable de retrouver à lire par ici. Toujours aussi touchant, et parfaitement écrit.

  5. Ananim 16 août, 2010 à 12:23 #

    Tres beau billet…

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