
Écrire encore encore encore.
Se sentir produire.
Vivre, en fait.
Finir d’écrire. Pour un moment.
Souffler.
Respirer.
Puis ne plus le pouvoir. Sinusite, mouchoirs, huiles essentielles.
La grande armada au chevet.
Au programme : des livres, un DVD et un ingrédient qui rendrait fou l’amant de BarBara.
** Des livres **
La radio s’ouvre tous les matins, à 6h45. Heureux moments que ceux du demi-someil. Encore un peu. Se rendormir en renouvelant les douces pensées adressées à notre oreiller quelques heures auparavant.
Un de ces matins, la voix de Philippe Djian m’avait fait rire. Je ne me souvenais que de cela lorsque, finalement, je m’étais levée.
Plus tard, j’entrais dans la librairie et demandais à l’homme aux milles et unes chemises mais à l’unique paire de lunettes de me conseiller pour « mon premier Djian ». Serrement au cœur, une mou traverse son visage. Une mou à la mouai, une mou à la bof, une mou à la « et-celui-ci-il-est-vraiment-bien-vous-devriez-le-lire ». L’auteur qui avait fait rire mon peu de conscience n’emballait pas mon libraire, auquel pourtant je livrais ma table de chevet en pleine conscience.
Il me recommandait finalement Sotos après un : « Celui-là est pas mal » et cette précaution d’usage : « oui, Djian, c’est assez visuel comme écriture. Cela fait très série ».

Lecture rapide. Bon signe. Et je n’étais pas encore malade.
L’histoire importe peu. Dans ce livre, on court, on boit, on a chaud, on se baigne, on saigne, on brûle, on pique. Beaucoup d’émotions. Parfois un peu d’ennui. Les instants fous n’en sont que renforcés.
Étonnamment, impossible de dire où se déroule la scène. Déroutant mais intriguant.
Bien monté, un livre sur le mode : aujourd’hui, hier et maintenant que devenons-nous.
Un style directe. Franc. Cru. Le lecteur n’est pas épargné. On en redemande. Certainement que la réaction serait différente si le livre était adapté à l’écran.
Je quittais Sotos avec regret. Espérant retrouver Djian très vite.
¨¨
Librairie de Villard de Lans. Petite rivalité entre libraires – peut-être. Son honorable propriétaire laisse échapper une gaugne à l’allusion de Sotos, assortie d’un « celui-là, il n’est pas très bon … Le dernier n’est pas mal ». Il y aurait des bons et des mauvais Djian. À la fois, je n’ai pas aimé tous les Chabrol – pas tous vus d’ailleurs -, ni tous les Dubois – pas tous lus d’ailleurs. J’acquiers le dernier opus dudit Djian, Impardonnables.

Erreur. C’est long. C’est lent. C’est vieux. Plus rien de la sensibilité à vif. On se meut difficilement entre rancune et suspicion, entre grand névrosé suicidaire et mère, dégoutée des hommes, atteinte d’un cancer. Il y a toujours de la drogue, mais elle est pathétique. Il manque le mojo, la précieuse énergie qui avait fait que dans Sotos les personnages borderline n’étaient pas caricaturaux. Déception.
La seule chose qu’il m’en reste est l’évocation d’une rupture totale des liens filiaux. Rupture que jusqu’alors je ne pouvais conceptualiser et encore moins ressentir. Cette fragrance s’imprègne dans mes narines. C’est peut être déjà beaucoup.
J’abandonne quelques temps le roman au profit de l’essai de Pierre Bayard, Le plagiat par anticipation. Cela peut toujours servir.
** Un DVD **
Arte a édité toute une série de documentaires, plutôt bien faits. L’un d’entre eux, ayant trait au Talmud, s’était retrouvé – par l’attention précieuse de ma mère – dans mes cadeaux de Noël. J’avais eu envie de le garder pour le moment opportun. Ce samedi, S. parti skier, je me retrouvais seule, à 9h00, le nez bouché. Parfait pour visionner ce DVD.

Tous les vendredis, s’adonner à l’art du commentaire. Commentaire de loi, d’arrêt, de texte. Comprendre, analyser, réfléchir, mettre en parallèle. S’inscrire dans d’autres écrits, dans une réalité séculaire. En être. Par l’étude.
Tous les vendredis soirs. D’autres rituels. Mais il est toujours question de loi. De droit. D’encadrement. Et là aussi, aucune passivité. Interroger le livre, l’analyser, le commenter. En être. Par l’étude.
Le Talmud rassemble la loi écrite et les discussions rabbiniques, les querelles d’écoles, les analyses. De la doctrine. Cela raisonne.
Ce DVD n’explique pas le Talmud. C’est dommage. Ne pas s’attendre à des développements sur le raisonnement talmudique. En revanche, on le voit vivre. Sa naissance, ses destructions, ses résurrections. Quelques propos liminaires et c’est bien tout. Rien à voir avec L’invitation au Talmud de Marc-Alain Ouaknin. Mais les ambitions d’un DVD et d’un livre ne sont probablement pas les mêmes.
** Un ingrédient qui rendrait fou l’amant de BarBara**
Je me suis accrochée au syllogisme comme à un radeau. Agrippées. Pour garder la tête hors des eaux troubles de ma subjectivité. Pour garantir un raisonnement juste.
Lâcher du leste. C’est ce à quoi ma directrice m’incitait. Car les syllogismes nous nous trompent. Tout ce qui est rare est cher. Un cheval bon marché est rare. Alors un cheval bon marché serait cher ? Face à mon radeau qui prenait l’eau, je me suis jetée sur Le raisonnement juridique de M.-L. Mathieu-Izorche.
J’y croisais Aristote et le syllogisme en forme de BarBara. Et un visage connu, mais dans bien d’autres circonstances. Lewis Caroll. Vous ici. Alice au pays des merveilles, traité de logique et du syllogisme. Incroyable. L’ouvrage est truffé de raisonnement fou tel celui-ci : la tête du chat apparait. Le roi ordonne que l’on lui coupe la tête. Le garde indique néanmoins qu’il est bien impossible de couper une tête sans corps. Alors : on peut décapiter tout ce qui a une tête, le chat a une tête, on peut décapiter sa tête ; ou on peut décapiter tout ce qui a une tête et un corps, or, ce chat n’a pas de corps, on ne peut donc pas lui couper la tête. Passionnant.
Cela raisonne.
Pour fêter cela, je me devais d’essayer un ingrédient fou, un ingrédient qui hurlerait EAT ME, un ingrédient qui me ferait grandir du syllogisme : Le PANDAN.
Plus d’œufs. Pas la brioche, pas le cookie. Alors du riz au lait vert.

C’était, semble-t-il, indescriptible. De ce que mon nez bouché m’a laissé percevoir (après avoir sniffé des huiles essentielles), j’ai senti des odeurs d’herbes coupées (peut-être lié aux huiles) et de beurre fondu. À vrai dire, je n’arrive toujours pas à prononcer les « n ». Je reste dans l’expectative. Espère vite retrouver mes sens – sans sniffage intempestif.
MERCI MERCI MERCI encore à ma précieuse donatrice.
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