L’empreinte que l’humeur laisse sur les livres. Et la tarte aux agrumes.

31 Jan

C’était un peu avant Noël. Je m’en étais remise au libraire de Villard-de-lans, un homme charmant, caustique à souhait qui, chose assez rare me semble-t-il, témoigne toujours d’une douceur presque paternelle. J’adore me promener, ou plutôt tourner dans l’échoppe. Une grande table centrale sur laquelle sont amoncelées des piles de romans, d’essais et même quelques recueils de poésie, qui sur la tranche, qui sur la quatrième de couverture. Autour, des étagères. L’espace est plus qu’optimisé – voilà qui plaît au Suédois -, mais quand même saturé – voilà qui me plaît. 

Je m’en étais donc remise à lui, ne sachant trop que choisir pour accompagner les dernières heures de la journée. Pas triste. Pas de la Shoah. Pas policier. Pas peur. Pas romance. Pas tea time. Pas bien pensance. Pas Camille Laurens. J’étais donc un peu difficile. Mais rien de pire que de gâcher un livre que l’on n’est pas disposé à lire à un moment donné.

Il me mit dans les mains un bouquin de José Luis Sampedoro, Le sourire étrusque. « Tu verras, celui-là, il est magnifique ». Bien, bien. Je lis la quatrième, un peu sceptique. Il semble encore habité par le livre et en parle avec entrain. Insoupçonnable de vente forcée. Il a aimé le livre. Soit. 

 

DSC_1944.jpg par vous

Une musique entendue à un moment de profonde tristesse reste irrémédiablement triste. Elle garde l’empreinte de ce moment. Pour les livres, le phénomène est identique. Il s’imbibe de l’humeur avec laquelle je le saisis. Je n’avais envie de rien, en même temps ma table de nuit était seule et moi avec. Et puis j’aime acheter des livres dans cette librairie. C’est donc avec ce bagage que j’ai commencé, plusieurs semaines plus tard, la lecture du sourire.

Il m’a suivi trois nuits. Ne le lâchant qu’à regret lorsque vraiment la nuit était avancée et que les grognements – réels – de S. se faisaient tels qu’il allait incessamment sous peu se réveiller, lumière oblige. Le lendemain au petit déjeuner il me demandait de ses nouvelles.

– C’est pas mal…

– Quoi, juste pas mal, attends tu t’es couchée super tard.

– Ben, c’est prenant… Mais cela n’a rien de sensationnel. C’est presque cul-cul.

Remarque de ma soeur à l’évocation de la cul-culïstique sourriresque : 

– Cul-cul genre feuilleton de l’été ? 

– Non, ça c’était vraiment Une odeur de gingembre … Non, non, cela ne vaut pas Terre indigo. Nan mais c’est bien quand même, hein. Mais bon ce n’est pas le livre qui marque une vie.

Parce que j’étais tellement difficile en entamant ce livre, qu’il aurait vraiment fallu qu’il soit merveilleux pour me plaire. 

 » À l’occasion d’un examen médical, Salvatore quitte Roccasera et sa Calabre natale pour Milan, où réside son fils. Il fait la connaissance de son petit-fils Bruno, avec une émotion d’autant plus grande que l’enfant porte le prénom qu’il s’était lui-même choisi lorsqu’il combattait avec les partisans. Entre son impossible accoutumance aux us et coutumes de la vie milanaise et sa mémoire qui ne cesse de retourner à la guerre, Salvatore organise sa nouvelle existence. Pour le peu de jours qu’il lui reste à vivre, le vieux paysan n’entend pas se laisser dompter par la modernité citadine… Bouleversant de justesse et de talent, empreint d’une grande humanité, Le Sourire étrusque visite les réalités d’une Italie à plusieurs vitesses. Une histoire d’amour, de résistance et de mort qui se joue du temps ».

Alors, le vieux est très vieux. Et son fils est très mou. Et le vieux paysan est viril. Et son fils est délicat. Et sa femme est dure. Et l’amoureuse du vieux est compréhensive. Et le bébé est en symbiose avec le vieux. Et le vieux se croit encore être un partisan, sauf que là, il lutte contre la grande ville. Et il va mourir. 

Le talent de l’auteur est de faire passer cette histoire d’homme face à sa vie et d’homme face à sa mort… Plutôt bien. Les phrases sont courtes. Pas d’envolée lyrique. Trois jours, c’est court. En même temps c’est suffisant. 

Je crains que l’humeur au jour de l’acquisition n’ait que trop embaumé les pages du sourire.

*

*    *

Pour être complètement honnête, dans les pages du sourire il y avait quand même du soleil de place de village. Celui dont les vieux, assis sur une chaise inoxydable, la cane entre les jambes, se repaissent. Il sent le chaud de l’été. Et c’était rudement bon de le sentir dans cette tarte aux agrumes. (What a transition folks).

 

DSC_1951.jpg par vous

 

The ultimate tarte aux agrumes  – Clea Style

  • Pour la pâte à tarte 
    • 100 g de farine
    • 30 g de poudre d’amande
    • 40 g de beurre (salé)
    • 1 bonne cuillère à café de purée d’amande
    • 1 jaune d’oeuf
    • 25 g de sucre blond de canne
    • Un peu d’eau

Tout mélanger, étaler et cuire à 180° pour une vingtaine de minutes.

  • Pour les agrumes
    • 100 ml de jus d’orange (avec les zestes)
    • 100 ml de jus de pamplemousse 
    • 100 ml de jus de citron
    • un peu d’eau
    • 2 oeufs + 1 blanc (qu’il reste de la pâte)
    • 1 bonne cuillère à soupe de farine (je n’avais pas de maïzena)
    • 120 g de sucre 

Dans une petite casserole mettre le sucre, la farine un peu d’eau et les zestes. Mélanger et faire fondre sur feu doux.

Pendant ce temps, mixez les oeufs avec les jus. Ajouter au mélange sucre/ farine et sur feu vif bien remuer. 

La préparation va sous vos yeux ébahis s’épaissir en quelques minutes. Quand la bonne consistance est atteinte, verser sur le fond de tarte. Laisser un peu refroidir. Vous verrez, elle est incroyable.

Acide.

7 Réponses to “L’empreinte que l’humeur laisse sur les livres. Et la tarte aux agrumes.”

  1. Clea 31 janvier, 2009 à 3:42 #

    Ca me fait sourire que tu écrives les amandes comme les amendes ;)
    Merci pour ta variante, je sais qu’elle va me plaire !

  2. auseptiemedelatour 31 janvier, 2009 à 6:49 #

    Déformation professionnelle !

  3. les chéchés 1 février, 2009 à 8:29 #

    délicieux, le livre où plonger selon tes conseils, et la tarte bien acidulée.
    (et l’envie d’aller jusque là bas, dans cette librairie magique qui a des pépites à découvrir, même quand on a envie de rien…)
    bises

  4. Saperlipopote 2 février, 2009 à 5:23 #

    les jours où on a envie de rien, le mieux c’est de ne rien faire, mais le tout sans culpabilité aucune puisque la Terre ne s’arrêtera pas de tourner pour autant.
    j’ai bien envie comme les chéchés d’aller faire un tour dans cette librairie. On vient manger la tarte aux agrumes chez toi après ?

  5. marie 8 février, 2009 à 7:03 #

    je lis beaucoup l’été car je traine bcp au soleil sur la terrasse. l’hiver je suis plutot télé et magazines mais pour toutes les saisons je suis tarte aux agrumes

  6. gracianne 12 février, 2009 à 1:42 #

    C’est bizarre, moi j’ai plutot l’impression que c’est le livre qui mene, qui me sort de mon humeur, qui m’emporte. S’il n’y arrive pas, c’est qu’il n’est pas bon, je ne m’obstine pas.

  7. gwen 23 mars, 2009 à 9:17 #

    Moi je souris parce que je l’ai beaucoup vendu, ce livre. Sans jamais être tentée de le lire. En revanche, je ne dis pas non à une part de tarte !

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